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31.05.2021

Colombie: Le droit de vivre en paix

Le 28 avril dernier, une grève nationale a débuté après que le gouvernement d'Iván Duque a annoncé une réforme fiscale défavorable au plus grand nombre, avec des manifestations sociales durement réprimées. Un mois plus tard, la contestation a toujours cours et l’on dénombre un nombre élevé de morts, disparus et blessés, dont la plupart sont des manifestant·e·s. Notre direction de programme et nos coopérant·e·s sur place font le point sur la situation et témoignent.

"Le pouvoir appartient au peuple", Photo ©Fabián Alexander Villa Silva

 UPDATE: 31.5.2021 

"Les méchants sont peu nombreux", dit un Colombien portant une pancarte dans une rue de la capitale. Il y a en effet dans ce pays une réalité de violence causée par une minorité qui a donné lieu aux années de massacres de civils par les militaires et de terreur exercée par les groupes de guérilla, les narcotrafiquants et les paramilitaires, surtout dans les zones rurales où l'État n'existe simplement pas. Malgré l’accord de paix de 2016, celui-ci peine à être totalement mis en œuvre et les conflits armés perdurent.

La répartition inégale des richesses est historiquement un dénominateur commun pour des millions de Colombien·ne·s, encore exacerbée par la pandémie Covid-19, qui se traduit aujourd'hui par un taux élevé de pauvreté monétaire. Fin avril, le Département des statistiques (DANE) a annoncé que sur les 50 millions d'habitants du pays, 42,5% vivent avec moins de 83 CHF par mois et 7,5 millions survivent avec moins de 36 CHF.

Las·se·s des fausses promesses

La jeunesse est particulièrement touchée. Lassée des fausses promesses, elle représente la majorité des citoyen·ne·s qui continue à descendre pacifiquement dans la rue pour protester et réclamer leurs droits. La réponse du gouvernement d'Iván Duque a été de qualifier les manifestants de "vandales et de terroristes", justifiant une réponse musclée de l'ESMAD, la redoutée police anti-émeute de Colombie: selon l’ONG Indepaz (indepaz.org.co), on comptait 66 décès au 29 mai, dont plus de la moitié à Cali.

D’autres actes arbitraires et illégaux ont été commis, comme l'attaque par balle contre des membres de notre organisation partenaire CRIC qui se rendaient de Popayán à Cali pour soutenir les manifestations et qui a fait 10 blessés, dont des membres de l'équipe avec laquelle travaille l'une de nos coopérantes à Popayán.

De son côté, le gouvernement suisse s’est prononcé: "La Suisse suit avec inquiétude la situation en Colombie. La manifestation pacifique est un droit humain. Nous regrettons les morts et les blessés et rappelons l'obligation de respecter les droits de l'homme. Nous appelons chacun à ne pas recourir à la violence et espérons qu'une solution pourra être trouvée par le dialogue".

Massive Repressionen durch die Regierung bringen das (junge) Volk auf die Strasse.

Photo ©Comundo/Andreas Hetzer

Jusqu'à présent, la réforme fiscale et la réforme de la santé ont été abandonnées, la ministre des Affaires étrangères et le haut-commissaire pour la paix ont démissionné. Et une Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme se rendra en Colombie dès que possible pour élaborer un rapport.

Une intransigeance qui ne présage rien de bon 

Quatre semaines se sont écoulées depuis le début de la grève nationale et aucune négociation entre le gouvernement et le comité national de grève n’est à l’ordre du jour. Que va-t-il se passer à court et moyen terme? Pour l’heure, le Président Duque vient d’étendre par décret, le 29 mai, le déploiement coordonné de l’armée aux côtés de la police à 7 départements, pour « affronter et surmonter les événements qui donnent lieu à une grave perturbation de la sécurité et de la coexistence ».

Certains analystes prévoient donc une vague de violence dans les mois à venir et jusqu'aux élections de mai 2022. Et les manifestations pacifiques se poursuivront certainement car les nouvelles générations continueront à réclamer leur droit de vivre en paix.

Comundo s'engage en faveur du dialogue

L’engagement de Comundo en Colombie a débuté il y a plus de 60 ans, avec les missionnaires de Bethleem Mission Immensee. Le soutien à la construction d’une paix basée sur la justice sociale y constitue le fil rouge de son travail. Visant l’amélioration des conditions de vie de la jeune génération en particulier, le programme 21-24 de Comundo soutient cette population dans l’exercice effectif de ses droits et sa participation active à la construction de la paix. En collaboration avec les organisations partenaires locales auprès desquelles s’engagent ses 9 coopérant-e-s, Comundo focalise son apport principalement autour de 3 axes : la construction de la paix et la gestion non-violente des conflits, l’exercice des droits humains (territoriaux et environnementaux) et l’accompagnement juridique et psychosocial des victimes du conflit. En ce moment de protestations sociales portées en grande partie par la jeunesse, ce travail revêt toute son importance. 

Plus d'infos sur notre engagement en Colombie: www.comundo.org/fr/colombie

Un webinaire sur le thème « Protestations sociales et violence d'État en Colombie », coorganisé par PBI Suisse, ask! et Comundo, aura lieu le 7 juin : www.comundo.org/fr/webinaire-colombie

Nos coopérant·e·s sont en sécurité et témoignent

Tou·te·s les coopérant·e·s de Comundo sont actuellement en sécurité et suivent quotidiennement l'évolution de la situation avec leurs organisations partenaires respectives. La direction de notre programme pays est en contact régulier avec chacun d'entre eux ; ensemble, ils rendent compte en permanence de la situation en Colombie. Vous trouverez ci-dessous quelques uns de leurs témoignages :

Julia Maria Schmidt, coopérante Comundo à Bogota: 

«J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs manifestations de la mobilisation sociale qui a lieu en Colombie en ce moment. Avec des collègues de mon organisation partenaire, nous avons constaté toutes les expressions artistiques, gestes de solidarité et témoignages qui font jour dans le cadre de la grève nationale 2021. L'ambiance est partout très paisible. La violence disproportionnée des forces publiques à l'encontre des manifestants, qui se manifeste depuis le premier jour des protestations, est un sujet de grande inquiétude pour toutes les personnes que nous rencontrons, et une des sources de leur motivation à manifester. »

Andreas Hetzer, coopérant Comundo à Cali : 

«Aux différents points de blocage de la ville de Cali, la jeune génération se rassemble pour protester et lutter, pour un avenir fait d'espoir dans un pays en paix. Il s'agit bien plus qu’une discussion autour de quelques réformes. Les jeunes veulent un changement fondamental en Colombie qui leur garantisse d'accéder à une éducation de qualité, à des emplois et à des soins de santé. Il est urgent d'engager un dialogue social qui prenne en considération les demandes légitimes des manifestants et de la jeunesse, et trouve des solutions politiques à la crise.»

Anna Lena Diesselmann, coopérante Comundo à Cali : 

«La direction de Reconciliación y Paz cherche une solution pacifique aux différends et aide les personnes confrontées aux violences à sortir de cette dynamique. Les protestations actuelles sont l'expression de décennies de division sociale et politique. Notre premier objectif est de protéger les vies humaines et d'empêcher de nouvelles violations des droits de l'homme. Nous sommes disponibles jour et nuit et accompagnons les manifestations en tant qu'observateurs. Il ne peut y avoir de paix en Colombie qu'avec plus de justice sociale.»

Jonas Rüger, coopérant Comundo à Cauca : 

«Dans le cadre du programme des droits de l'homme du Consejo Regional Indígena del Cauca (CRIC), je soutiens le travail de veille autour des violations des droits de l'homme, un rôle très actuel dans le contexte des manifestations et de la réponse répressive voulue par l'État. Par exemple, nous avons pu documenter 12 attaques à l'arme à feu contre des manifestants, menées pour la plupart par des civils non identifiés mais souvent accompagnés ou à proximité de policiers qui ne sont pas intervenus. Dans l'une de ces attaques, un collègue et ami proche a été gravement blessé.»

Contact pour les questions

 

Nous sommes à la disposition des familles et des proches qui souhaitent obtenir plus d'informations sur la sécurité de nos coopérant·e·s et sur la situation tendue en Colombie.

 

Mme Mathilde Defferrard, responsable du programme Colombie, se fera un plaisir de répondre à vos questions par e-mail : mathilde.defferrard@comundo.org.

Webinaire du 7 juin

 

Coorganisé par PBI, ask ! et Comundo, un webinaire s’est tenu le 7 juin pour évoquer la situation en Colombie. Retrouvez la synthèse (en allemand) et l’enregistrement de ces échanges (en espagnol).

 

L'article et la vidéo